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Après neuf années au service de la justice sociale, il faut savoir passer la main pour ouvrir une nouvelle page. Un bilan : plusieurs centaines de dossiers traités en encadrement, commerce et référé, de nombreuses présidences d'audiences, de nombreux jugements rédigés, plusieurs milliers d'heures passées à étudier et à appliquer le droit. Bref, l'impression d'avoir apporté ma pierre à l'édifice de la justice, au service de mes contemporains avec justice et équité.

Conseiller prud’homal, j'ai siégé au tribunal de Dijon comme conseiller employeur dans la section Encadrement (2008-2017), à la section commerce (2014-2017) et en référé (2014-2017).

Mais, en quoi consiste cette juridiction particulière ? Comment sommes-nous désignés ? Que traitons-nous comme litiges ? Quelle est l’histoire des Prud’hommes ? … Quelques réponses très simples.

Une véritable juridiction

Le Conseil de Prud'homme est une juridiction de premier degré chargée de juger les litiges individuels, nés d'un contrat de travail ou d'apprentissage de droit privé, entre employeurs et employés ou apprentis : licenciement, litige sur les salaires, les congés, sanctions disciplinaires, requalification du contrat de travail, conditions d’hygiène et sécurité, horaires de travail, harcèlement moral, discriminations... Il s’appuie sur le Code du travail, le Code civil et les conventions collectives.

Le Conseil est composé de juges non professionnels élus par ses pairs, les conseillers prud'homaux, qui sont, dans un souci de parité, en nombre égal, des employeurs et des salariés. Jusqu'aux lois Macron, ils étaient élus tous les 5 ans, prolongés jusqu'en 2017, ils sont assermentés et traitent les affaires en toute indépendance juridique. En effet, le Conseil fonctionne comme un tribunal à part entière avec les mêmes caractéristiques que les autres juridictions civiles. Les conseillers prud'hommes qui ne sont plus en activité sont indemnisés forfaitairement (7,10 €/heure) pour le temps passé à leurs fonctions. Ils sont normalement rémunérés, s'ils sont en activité et élus du collège salariés ; l'employeur concerné se fait alors rembourser par l'État le salaire ainsi maintenu et les cotisations sociales afférentes.

Lors de la saisine du Conseil, les litiges sont analysés et traités en fonction de la section dont ils relèvent. Le conseil comprend 5 sections : encadrement, commerce et des services sociaux, industrie, agriculture, activités diverses. Chacune comprend un bureau de conciliation et d'orientation et un bureau de jugement, devant lesquels les affaires sont portées. Pour certaines situations urgentes, il existe une procédure de référé permettant d’obtenir rapidement une décision.

Le Président de l’audience est alternativement un représentant salarié ou patronal. En cas de partage des voix lors d’une délibération, il est fait appel à un magistrat professionnel lequel prend alors le titre de juge départiteur.

Les jugements sont rendus en dernier ressort lorsque l’intérêt est égal ou inférieur à 4.000 €. Au-delà, il y a possibilité d’appel.

Cité judiciaire de Dijon.

Un peu d’histoire…

Apparu au XIe siècle, le mot prud'homme provient de preux homme ou prode homme, preux et prode provenant de la même racine latine prode dérivée du verbe latin prodesse : « être utile ».

Étienne Boileau (1200-1270), prévôt de Paris sous le roi Saint-Louis cite l'arbitrage traditionnel des anciens, les probi homines, hommes de valeur, prudents et de bon conseil. Le terme prud'homme s'appliquait alors aux « défenseurs du métier » qui intervenaient si un conflit surgissait entre artisans, il était tranché par leurs pairs : les prud'hommes.

C'est sous le règne de Philippe le Bel que furent constitués les premiers conseils de prud'hommes. En l'an 1296, le conseil de la ville de Paris créa vingt-quatre prud'hommes. Il les chargea d'assister le prévôt des marchands et les échevins afin de juger, en dernier ressort, les contestations qui pourraient s'élever entre les marchands et les fabricants qui fréquentaient les foires et les marchés établis à cette époque. Pendant près de deux siècles, la ville de Paris posséda seule des prud'hommes.

C'est le 18 mars 1806 qu'une loi créant un conseil de prud'hommes à Lyon est promulguée par Napoléon 1er par un décret du 3 juillet 1806 : les employeurs y sont majoritaires. Des tribunaux favorisant la conciliation entre les fabricants de soie et les ouvriers lyonnais (canuts) existaient déjà et servirent d'exemple. À Paris, d’autres conseils de prud'hommes vont être créé en 1845, 1847… La Deuxième République remanie la législation des prud'hommes conférant à l'institution un élément fort de sa forme actuelle avec l'apparition du paritarisme (employeurs et salariés rendent ensemble les décisions).

Au cours du XIXe siècle, les conseils de prud'hommes s'ancrent dans le paysage judiciaire et social de la France. Leur nombre augmente. En 1907, la loi met en place une véritable juridiction sociale, reconnue compétente en matière de contentieux individuels du travail. En 1908, la loi du 15 novembre 1908 (dite Loi des prud’femmes) instaure que les femmes sont désormais éligibles.

Une réforme mise en œuvre en 1979, la loi Boulin, généralise l'institution : tant sur le plan géographique que dans la couverture des branches d'activités ; une mesure législative interviendra 3 ans plus tard pour réduire les mandats électoraux à 5 ans.

Il existait, jusqu'à fin 2008, 271 conseils de prud'hommes mais la réforme de la carte judiciaire menée par la ministre de la justice, Rachida Dati, a conduit à la fermeture de 63 d'entre eux.

Et aujourd'hui...

La loi Macron n° 2015-990 du 6 août 2015, publiée au journal officiel du 7 août 2015, a réformé la justice prud'homale dans le but de favoriser la résolution des litiges à l'amiable et de réduire la durée des procédures. La plupart de ces s mesures en matière de justice prud'homale ont été entérinées par le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail.

Avec l'article 258, la loi Macron a mis en place un référentiel indicatif dans le cadre des licenciements irréguliers ou sans cause réelle et sérieuse. Les modalités de cette mesure ont été définies par le décret n° 2016-1581 du 23 novembre 2016. Les conseillers prud'homaux doivent établir ce référentiel indicatif en fonction de différents critères : l'âge du salarié licencié, son ancienneté, sa situation par rapport à l'emploi : nouvel emploi ou non.

Le montant de l'indemnité peut ainsi varier de 1 mois de salaire pour les salariés justifiant de moins d'un 1 an d'ancienneté à 21,5 mois de salaire pour les salariés justifiant de 43 ans d'ancienneté ou plus. Le montant est majoré d'1 mois si le salarié avait au moins 50 ans à la date du licenciement et qu'il présente des difficultés particulières de retour à l'emploi en raison de sa situation personnelle et de son niveau de qualification.

La loi Macron a créé un nouveau statut : le défenseur syndical. Celui-ci est introduit par l'article R. 1453-2 du Code du travail et est entré en vigueur le 1er août 2016.

Désormais, les conseillers prud’homaux ne sont plus élus, mais désignés par les organisations syndicales ou patronales.

 

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